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je suis pauvre. » Celui-ci: « C’est que j’ai un méchant père ou une méchante mère. » Celui-là: « C’est que César ne m’est pas favorable. » Mais la seule et unique cause, la voici: ils ne savent pas appliquer leurs notions premières. Est-il quel qu’un, en effet, qui n’ait pas sur le mal cette notion première, qu’il est funeste, qu’il est à fuir, qu’il est à écarter de toutes les façons? Personne, car il n’y a jamais d’opposition entre les notions premières des uns ou des autres. Les oppositions ne commencent que quand on en vient aux applications. Par exemple, qu’est-ce qui est ce mal si funeste, que l’on doit si bien éviter? On dit: « C’est de ne pas être l’ami de César. » C’en est fait; on est à côté de l’application vraie; on est aux abois; on va chercher des choses sans rapport avec la question; car on aura beau obtenir l’amitié de César, on n’aura pas obtenu pour cela ce qu’on demandait. Qu’est-ce que l’homme demande, en effet? A vivre calme et heureux, à tout faire comme il le veut, à ne jamais être empêché ni contraint. Or, une fois l’ami de César, n’est-il plus jamais empêché? Plus jamais contraint? Vit-il toujours calme et heureux? Qui interrogerons-nous là-dessus? Et quelle autorité plus digne de foi, que celle de l’ami même de César? « Avance donc au milieu de nous, toi, et dis-nous quand est-ce que ton sommeil était le plus tranquille. Est-ce aujourd’hui, ou avant que tu ne fusses l’ami de César? » Aussitôt tu lui entends dire: « Cesse, par tous les Dieux! de te railler de mon sort. Tu ne sais pas ce que je souffre, hélas! Le sommeil ne vient même pas pour moi. On accourt me dire: Il est déjà éveillé! Il sort déjà! Puis tous mes