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des cadeaux à celle qui le déteste; il la supplie; il pleure. Par contre, qu’il obtienne d’elle la moindre faveur, et le voilà hors de lui! Mais à ce moment même encore comment est-il? N’a-t-il plus rien à désirer?[1] plus rien à craindre? Et voilà comment il est libre!

Vois comment nous appliquons l’idée de la liberté, quand il s’agit des animaux. Certaines gens entretiennent des lions apprivoisés; ils les enferment, les nourrissent, et les emmènent partout avec eux: qui dira qu’un tel lion est libre? N’est-il pas d’autant plus esclave qu’il a une vie plus douce? Quel est l’être doué de sens et de raison qui voudrait être un de ces lions? Vois, par contre, ces oiseaux que l’on prend, que l’on enferme, et que l’on nourrit: que ne souffrent-ils pas en essayant de s’échapper! Il en est même qui se laissent mourir de faim plutôt que de supporter ce genre de vie. Quant à ceux que l’on conserve, c’est à grand’peine, avec bien de la difficulté, et encore ils dépérissent! Et dès qu’ils trouvent la moindre ouverture, les voilà partis! Tant ils aiment la liberté, pour laquelle ils sont faits! Tant ils ont besoin d’être indépendants, et affranchis de toute entrave! « Êtes-vous donc mal ici? » leur dites-vous. Ils répondent: « Que dis-tu là? Nous sommes nés pour voler où bon nous semble, pour vivre au grand air, et chanter quand nous le voulons; tu nous enlèves tout cela, et tu dis: Êtes-vous mal ici? » Aussi, nous n’appellerons races libres que celles qui ne supportent pas d’être prises, et qui, sitôt prises, échap-

  1. Le texte ici est interpolé.