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Le Sage craindra-t-il que les aliments viennent à lui manquer? Ils ne manquent pas à l’aveugle; ils ne manquent pas au boiteux; et ils manqueraient au Sage! Un bon soldat trouve toujours qui le paye; un bon ouvrier, un bon cordonnier aussi; et celui qui est l’homme parfait ne le trouverait pas! Dieu sera-t-il si insoucieux de ses propres affaires, de ses ministres, de ses témoins, de ceux qui lui servent à prouver par des faits aux hommes ordinaires, qu’il existe, qu’il gouverne sagement ce monde, qu’il ne néglige pas l’humanité, et qu’il n’y a jamais de mal pour le Sage, ni de son vivant, ni après sa mort? — Mais lorsqu’il ne me fournit pas de quoi manger? — Que fait-il autre chose que de me donner le signal de la retraite, comme un bon général? Je lui obéis alors; je le suis, en chantant les louanges de mon général, en approuvant bien haut tout ce qu’il fait. Je suis venu, en effet, quand il l’a voulu; je m’en irai de même, quand il le voudra; et, de mon vivant, qu’avais-je précisément à faire, que de chanter les louanges de Dieu, seul avec moi-même, en face d’un autre , ou de plusieurs? Il me donne peu, il ne me donne pas en abondance, il ne veut pas que je vive dans la mollesse; mais il n’a pas donné davantage à Hercule, son propre fils. C’était un autre qui régnait sur Argos et sur Mycènes; la part d’Hercule était l’obéissance, les travaux, les épreuves. Mais Eurysthée était ce qu’il était, et ne régnait pas plus réellement sur Argos et sur Mycènes qu’il ne régnait sur lui-même; tandis que Hercule, par toute la terre et par toute la mer, était véritablement roi, véritablement chef, réparant les iniqui-