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n’avoir plus de cuisinier, de n’avoir plus personne pour tes sauces, personne pour t’attacher tes chaussures, personne pour te passer tes habits, personne pour te frictionner, personne pour te faire cortège. Tu veux pouvoir aux bains te dépouiller, t’étendre à la façon de ceux qu’on met en croix, puis te faire frotter et de ci et de là; tu veux que le maître baigneur, qui préside à l’opération, dise ensuite: « Passe ici; montre-nous le flanc; prends-lui la tête; présente ton épaule; » puis, rentré chez toi après le bain, tu veux crier: « Ne m’apporte-t-on pas à manger? » Et après cela: « Enlève la table; passe l’éponge. » Ce que tu crains, c’est de ne pouvoir plus mener la vie d’un malade. Quant à la vie de ceux qui se portent bien, apprends à la connaître: c’est celle que mènent les esclaves, les ouvriers, les vrais philosophes; c’est celle qu’a menée Socrate, quoique avec femme et enfants; c’est celle de Diogène, celle de Cléanthe, qui tenait une école et était porteur d’eau. Si tu veux mener cette vie, tu la pourras mener partout, et tu vivras dans une pleine assurance. Fondée sur quoi? Sur la seule chose à laquelle on puisse se fier, sur la seule qui soit sûre, qui soit sans entraves, que nul ne puisse t’enlever, sur ta propre volonté. Pourquoi par ta faute es-tu si inutile et si impropre à tout, que personne ne veut te prendre chez lui, ne veut se charger de toi? Un vase intact et propre au service aura beau être jeté dehors, quiconque le trouvera l’emportera, et croira que c’est tout profit; toi, au contraire, chacun croira que c’est tout perte. Ainsi tu ne peux même pas rendre les services d’un chien et d’un coq, et tu veux encore vivre, tel que tu es!