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être toujours ensemble? Or, désirer l’impossible, est le propre d’un esclave et d’un sot, le propre d’un homme qui combat Dieu, son hôte, par la seule arme qui soit en son pouvoir, par sa façon de penser.

— « Mais ma mère pleure, quand elle ne me voit plus. » — Eh bien! pourquoi n’a-t-elle pas étudié notre doctrine? Je ne veux pas dire par là que tu ne doives pas faire d’efforts pour qu’elle ne pleure plus, mais que tu ne dois pas vouloir à toute force une chose qui est en dehors de toi. Le chagrin des autres est en dehors de moi; le mien seul est à moi. Je ferai cesser à toute force le mien, car cela dépend de moi; quant à celui des autres, j’y ferai mon possible, mais je n’entreprendrai pas de l’apaiser à toute force. Autrement, je ferai la guerre à Dieu, je lutterai contre Jupiter, j’entrerai en ligne avec lui pour le gouvernement du monde; et le châtiment de cette lutte, de cette révolte contre Dieu, ne retombera pas seulement sur les enfants de mes enfants, mais encore sur moi-même, la nuit aussi bien que le jour; des songes me feront m’élancer de mon lit; je serai toujours troublé; je tremblerai dans l’attente de chaque nouvelle; ma tranquillité dépendra des lettres d’autrui. « Quelqu’un arrive de Rome, » dirai-je; « ah! pourvu que ce ne soit pas un mal! » Mais quel mal peut-on te faire là où tu n’es pas? « Quelqu’un arrive de Grèce. Ah! pourvu que ce ne soit pas un mal! » diras-tu encore. Et c’est ainsi que tous les pays peuvent contribuer à ton malheur. Ce n’était pas assez que tu fusses malheureux par le lieu où tu es, il faut encore que tu le sois de par delà les