Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée

asseoir tout en pleurs; puis, s’il revient, danser et battre des mains, comme le font les enfants?

Ne nous sevrerons-nous donc jamais, et ne nous rappellerons-nous pas ce que les philosophes nous ont dit? Si ce ne sont pas des charlatans que nous écoutions en eux, ce monde est une république, dont tous les citoyens sont formés d’une même substance. Il faut que les choses y tournent dans un cercle; que les unes y cèdent la place aux autres; que celles-ci se décomposent, et que celles-là naissent; que celles-ci restent dans le même état, et que celles-là changent. Mais cet univers est peuplé d’amis; ces amis sont les Dieux d’abord, puis les hommes que la nature a faits les uns pour les autres. Il faut tantôt qu’ils vivent ensemble, tantôt qu’ils se séparent; mais, ensemble, il faut qu’ils soient heureux les uns par les autres; et, quand ils se séparent, il faut qu’ils n’en soient pas tristes. Outre que la nature a donné à l’homme l’élévation de l’àme et la force de dédaigner tout ce qui ne dépend de son libre arbitre, il a l’avantage de ne pas prendre racine, de n’être pas attaché au sol, et de passer d’un lieu à un autre, tantôt parce que ses besoins l’y poussent, tantôt pour le simple plaisir de voir.

C’est là ce qui arriva à Ulysse,

« Qui vit les villes et connut l’esprit de tant d’hommes. »

C’est ce qui était aussi arrivé avant lui à Hercule, qui parcourut la terre entière,

« En quête des crimes et des vertus des hommes, » pour frapper et punir les premiers, et pour rétablir les secondes dans leurs droits. Et cependant