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cœur? la haine de la patrie? l’amour de la vie? Eh bien! te semble-t-il qu’il ait peu gagné à mourir? Non, n’est-ce pas? Et le père d’Admete, a-t-il beaucoup gagné à vivre si lâche et si misérable? N’a-t-il pas fini par mourir? Cessez donc, par tous les Dieux, d’admirer ce qui n’est que la matière de nos actes; cessez de vous faire vous-mêmes esclaves, des choses d’abord, puis, pour l’amour d’elles, des hommes qui peuvent vous les donner ou vous les enlever.

— Ne peut-on donc en tirer profit? — On peut tirer profit de tout. — Même de l’homme qui nous injurie? — Est-ce que celui qui exerce l’athlète ne lui est pas utile? — Très-utile. — Eh bien! cet homme qui m’injurie, m’exerce lui aussi; il m’exerce à la patience, au calme, à la douceur. Cela ne serait-il pas vrai? Et, tandis que celui qui me saisit par le cou, qui place comme il convient mes hanches et mes épaules, m’est utile; tandis que mon maître de gymnastique fait bien de me dire: « Enlève ce pilon des deux mains; » tandis que, plus ce pilon est lourd, mieux il vaut pour moi, faudrait-il dire que celui qui m’exerce à être calme ne m’est pas utile? Ce serait ne pas savoir tirer parti des hommes. Mon voisin est-il méchant? C’est pour lui qu’il l’est; pour moi il est bon. Il m’exerce à la modération, à la douceur. Mon père est-il méchant? Il l’est pour lui; pour moi il est bon.

C’est là la baguette de Mercure. « Touche ce que tu voudras, me dit-il, et ce sera de l’or. » Non pas; mais apporte ce que tu veux, et j’en ferai un bien. Apporte la maladie, apporte la mort, apporte l’indigence, apporte les insultes et la condamna-