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a-t-il donc besoin d’autre chose, quand il est seul? Il n’a qu’à ouvrir les yeux et qu’à se dire: « Maintenant rien de mauvais ne peut m’arriver; il n’y a pour moi ni voleurs, ni tremblement de terre; partout la paix et la tranquillité. Il n’est pas une route, pas une ville, pas un compagnon de voyage, pas un voisin, pas un associé qui puisse m’être fatal. Il est quelqu’un qui prend soin de me fournir ma nourriture et mes vêtements; il est quelqu’un qui m’a donné mes sens et mes notions à priori. Lorsqu’il ne me fournit pas ce qui m’est nécessaire, c’est qu’il me sonne la retraite, qu’il ouvre la porte, et qu’il me dit: Viens. — Où cela? — Vers rien qui soit à craindre; vers ce dont tu es sorti; vers des amis, vers des parents, vers les éléments. Tout ce qu’il y avait de feu en toi s’en ira vers le feu; tout ce qu’il y avait de terre, vers la terre; tout ce qu’il y avait d’air, vers l’air; tout ce qu’il y avait d’eau, vers l’eau. Il n’y a pas de Pluton, pas d’Achéron, pas de Cocyte , pas de Phlégéton en feu; non: tout est peuplé de Dieux et de Génies. » Quand on peut se dire tout cela, quand on a devant ses yeux le soleil, la lune et les astres, quand on a la jouissance de la terre et de la mer, on n’est pas plus abandonné que l’on n’est sans appui. Mais quoi! si quelqu’un me surprenait seul et me tuait! — Imbécile! ce ne serait pas toi qu’il tuerait, ce serait ton corps!

Qu’est-ce donc que l’abandon? Qu’est-ce donc que le dénuement? Pourquoi nous faire inférieurs aux enfants? Quand on les laisse seuls, que fontes? Ils prennent des coquilles et de la terre, et font des