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pas te désoler de ce qui arrive; c’est d’attendre dignement et convenablement la mort; c’est de faire tout ce que l’on t’ordonne; c’est de ne pas t’effrayer de ce que va dire le médecin, quand il arrive, et de ne pas te réjouir outre mesure, quand il te dit: « Tu te portes bien. » Qu’est-ce là, en effet, te dire de bon? Car, lorsque tu te portais bien , qu’y avait-il là de bon pour toi? C’est encore de ne pas te désespérer, quand il te dit: « Tu te portes mal. » Qu’est-ce, en effet, que se mal porter? Approcher du moment où l’àme se sépare du corps. Qu’y a-t-il donc là de terrible? Est-ce que, si tu n’en approches pas maintenant, tu n’en approcheras pas plus tard? Est-ce encore que le monde doit être bouleversé par ta mort? Pour quoi donc flattes-tu le médecin? Pourquoi lui dis-tu: « Si tu le veux, maître, je serai en bonne santé? » Pourquoi lui donner un motif de porter haut la tête? Pourquoi ne pas l’estimer juste ce qu’il vaut? Le cordonnier est pour mon pied, le charpentier pour ma maison, et le médecin, à son tour, pour mon misérable corps, c’est-à-dire pour quelque chose qui n’est pas à moi, pour un être mort né. Voilà ce qu’a à faire le fiévreux; et, s’il le fait, il est ce qu’il doit être. La tâche du philosophe , en effet, n’est pas de sauvegarder les choses du dehors, son vin, son huile, son corps, mais de sauvegarder sa partie maîtresse. Comment se conduira-t-il vis-à-vis les choses du dehors? Il s’en occupera dans la mesure que la raison comporte. Et alors quand aura-t-il encore à s’effrayer? Quand aura-t-il encore à se mettre en colère? Quand aura-t-il encore à trembler pour des choses qui ne sont