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j’ai quelque opinion fausse, enlève-la-moi; si tu as des opinions à toi, expose-les devant moi. C’est ainsi qu’on cause avec un philosophe. Ce n’est pas là ce que tu fais; mais en passant par ici tu dis: « Tandis que nous louons le vaisseau, nous pourrons bien aussi voir Epictète. Voyons ce qu’il dit. » Puis, quand tu es débarqué: « Ce n’est rien qu’Epictète! » dis-tu; « il a fait des solécismes et des barbarismes! » Et, en effet, de quelle autre chose êtes-vous capables de juger quand vous venez à moi? « Mais, si je m’applique à ce que tu veux, dis-tu, je n’aurai point de terres, non plus que toi; je n’aurai point de coupes d’argent, non plus que toi; je n’aurai point de beaux bestiaux, non plus que toi. » A cela il me suffit peut-être de répondre: « Mais je n’en ai pas besoin; tandis que toi, après avoir beaucoup acquis, tu auras encore besoin d’autre chose. Que tu le veuilles ou non, tu es plus pauvre que moi. » — De quoi donc ai-je besoin? — De ce que tu n’as pas: de l’empire sur toi-même, de la conformité de ta pensée avec la nature, de la tranquillité de l’esprit. Que j’aie un patron, ou non, que m’importe à moi? Beaucoup t’importe à toi. Je suis plus riche que toi; car je ne m’inquiète pas de ce que César pense de moi; et je ne vais par suite faire ma cour à personne. Voilà ce que j’ai, moi, au lieu de vases d’argent et de vases d’or. Toi, ta vaisselle est d’or, mais ta raison, mais tes opinions, tes jugements, tes vouloirs, tes désirs, tout cela est de terre cuite. Maintenant, quand tout cela chez moi est conforme à la nature, pourquoi ne m’appliquerais-je pas en plus à l’art de raisonner? N’ai-je pas du loisir? Et