Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée

puis, en pousser autant que tous. » Il te fallait savoir, quand tu es entré au théâtre, que tu y entrais pour servir de règle et d’exemple aux autres, sur la manière dont on doit regarder. Pourquoi donc t’ont-ils injurié? parce que tout homme hait ce qui le contrarie. Ces gens voulaient qu’un tel fût couronné; toi tu voulais que ce fût un autre: ils te contrariaient, tu les contrariais. Tu t’es trouvé le plus fort; ils ont fait ce qu’ils pouvaient faire: ils ont injurié qui les contrariait. Que voudrais-tu donc? que tu fisses ce que tu veux, et que ces gens ne pussent même pas dire ce qu’ils veulent? Qu’y a-t-il d’étonnant qu’ils aient agi ainsi? Les laboureurs n’injurient-ils pas Jupiter, quand il les contrarie? Les matelots ne l’injurient-ils pas aussi? Cesse-t-on jamais d’injurier César? Eh bien! est-ce que Jupiter ne le sait pas? Est-ce que les paroles qu’on a dites ne sont pas rapportées à César? Que fait-il donc? Il sait que, s’il punissait tous ceux qui l’injurient, il n’aurait plus sur qui régner.

Que conclure de là? Que tu devais te dire, en arrivant au théâtre, non pas: « Il faut que Sophron soit couronné; » mais, « j’aurai soin dans cette occasion que ma volonté soit conforme à la nature. Personne ne m’est plus cher que moi-même. Il serait donc ridicule de me nuire à moi-même, pour faire triompher l’un des comédiens. Quel est donc celui que je veux voir vainqueur? Celui qui le sera. De cette façon celui qui vaincra sera toujours celui que j’aurai voulu. » — « Mais je veux, dis-tu, que la couronne soit à Sophron! » Fais célébrer alors dans ta maison tous les jeux que tu voudras, et proclame le vainqueur aux jeux Né-