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monnaie, lui dit-on, et vends-moi cette minime affaire. Donne, et reçois en retour. » Un autre aime les jeunes garçons. Donne-lui sa monnaie, et prends ce que tu veux. Un autre aime la chasse. Donne-lui cheval ou chien; et, avec force larmes et soupirs, il te vendra en échange ce que tu voudras. Il y a quelqu’un en effet qui l’y contraint au-dedans de lui: celui qui a réglé que ce serait là sa monnaie.

C’est là le terrain sur lequel il faut s’exercer avant tout. Lorsque tu es sorti dès le matin, quelque chose que tu voies ou que tu entendes, examine, et réponds comme à une interrogation. « Qu’as-tu vu? Un beau garçon ou une belle fille? Applique ta règle. L’objet relève-t-il de ton libre arbitre, ou n’en relève-t-il pas? — Il n’en relève pas. — Eh bien! rejette. — Qu’as-tu vu? — Un homme qui pleurait la mort de son fils. — Applique ta règle. La mort ne relève pas de notre libre arbitre. Enlève de devant nous. — J’ai rencontré un des consuls. — Applique ta règle. Qu’est-ce que le consulat? Une chose qui relève de notre libre arbitre ou qui n’en relève pas? — Une chose qui n’en relève pas. — Enlève encore; ce n’est pas là une monnaie de bon aloi; rejette-la, tu n’en as que faire. » Si nous faisions cela, si nous nous exercions ainsi depuis le matin jusqu’à la nuit, il en résulterait quelque chose, de par tous les Dieux! Mais maintenant tout ce qui s’offre à nos sens nous saisit aussitôt, et nous tient bouche béante. Ce n’est qu’à l’école que nous nous réveillons un peu, et encore! Puis, quand nous en sommes dehors, si nous apercevons un homme