Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

resse, c’est mon bien. — Es-tu donc réellement si dur? — Oui, car c’est là ma nature même: le bien est la monnaie que Dieu m’a donnée à moi. C’est pourquoi, dès que le bien est différent de l’honnête et du juste, c’en est fait de mon père, de mon frère, de ma patrie, et de toute chose. « Ferai-je fi de mon bien, pour que tu l’aies, et te le céderai-je? Pour quel motif? — Je suis ton père. — Oui, mais tu n’es pas mon bien. — Je suis ton frère. — Oui, mais tu n’es pas mon bien. » Si, au contraire, nous plaçons le bien dans une volonté et dans un jugement droits, respecter les liens du sang devient lui-même un bien; et dès-lors celui qui cède quelqu’une des choses extérieures, arrive par cela même au bien. — « Ton père te prend ton argent. — Il ne me fait pas de tort. — Ton frère aura plus de terres que toi. — Qu’il en ait autant qu’il le veut. Aura-t-il donc par là plus de conscience? plus de probité? plus de dévouement fraternel? » C’est qu’en effet c’est là une richesse dont personne ne peut me déposséder; pas même Jupiter. Il ne l’a pas voulu, en effet. Bien loin de là: il l’a remise entre mes mains, et il me l’a donnée telle qu’il la possède lui-même, affranchie de toute entrave, de toute contrainte, de tout empêchement.

Chacun a sa monnaie particulière; montrons-la lui, et nous aurons ce qu’il vend en échange. Un proconsul voleur est arrivé dans la province; quelle est la monnaie à son usage? L’argent. Montre-lui de l’argent, et emporte ce que tu veux. C’est un coureur de femmes qui est arrivé; quelle est la monnaie à son usage? Les jolies filles. « Prends ta