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toi, et tu deviens pour la ville un mauvais citoyen, pour tes parents un mauvais parent, pour tes voisins un mauvais voisin? Toi, de ton côté, qui donc es-tu? » C’est alors qu’il est beau de dire: « Je suis celui qui doit s’occuper des hommes. » Ce n’est pas le premier bouvillon venu qui ose tenir tête au lion; mais, quand il se présente un taureau pour lui tenir tête, avise-toi donc de dire à ce taureau: « Qui es-tu? Et de quoi t’occupes-tu? » O homme, dans toutes les espèces il y a des individus d’élite: il y en a parmi les bœufs, parmi les chiens, parmi les abeilles, parmi les chevaux. Ne va pas dire à l’individu d’élite: « Qui donc es-tu? » Sinon, il trouvera quelque part une voix pour te dire: « Moi, je suis ce qu’est la pourpre dans le manteau. Ne me demande donc pas de ressembler aux autres; ou bien prends-t-en à ma nature, qui m’a fait différent des autres. »

Est-ce donc là ce que je suis, moi Epictète? Mais comment puis-je l’être? Et toi, es-tu donc capable d’écouter la vérité? Plût au ciel que tu le fusses! Mais cependant, puisque j’ai été pour ainsi dire condamné à porter la barbe blanche et le vieux manteau, et que tu es venu vers moi comme vers un philosophe, je ne te traiterai pas avec rigueur, ni comme un incurable, et je te dirai: « Jeune homme, qui veux-tu rendre beau? Sache d’abord qui tu es, et ne songe à te parer qu’après cela. Tu es un homme, c’est-à-dire un être animé, destiné à mourir, et qui doit faire un usage raisonnable de tout ce que ses sens lui présentent. Qu’est-ce qui est donc raisonnable? Ce qui est conforme à la nature, et parfait (en son genre). Or, qu’y a-t-il de plus excellent en toi?