Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xx

sont si puissants, il nous montre le ciel au terme de nos efforts ; ou quand, pour nous faire supporter la perte de tant d’êtres si chers qui semblent emporter notre cœur avec eux, il allume en nous l’espérance d’un bien immense, qui sera précisément la récompense de la soumission avec laquelle nous aurons supporté cette perle ! L’espérance et la foi lui sont un levier pour nous détacher du monde ; le Stoïcisme, qui veut nous en détacher comme lui, commence par jeter le levier ! Il ne garde d’autre appât à ce renoncement et à cette résignation absolus, que le calme qui en résultera pour notre vie, et la conscience de nous sentir dans l’ordre. Quelque précieux que ces biens puissent être, est-ce assez pour l’humanité, surtout quand on la veut si grande ?

Enfermer l’homme dans ce monde, lorsque, comme Épicure, on lui assigne le plaisir pour but, et le rabaisse ainsi vers la brute : rien de plus logique. Mais lui prêcher la sainteté et le dévouement, exalter tout ce qu’il y a de noble en lui, le lancer vers l’Idéal, et arrêter brusquement son vol à la sortie de cette vie : quelle plus flagrante contradiction ! Si vous voulez que je me contente de l’étroit espace où vous me renfermez, si vous ne voulez pas que je me meurtrisse les ailes aux barreaux de ma cage, étouffez en moi tout besoin d’en sortir ; faites-moi par mes instincts et par mes facultés l’égal des animaux qui partagent ma prison ; et que la satisfaction des sens soit pour moi la vie tout entière. Mais, si vous commencez