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tu veux éviter, à n’avoir jamais ni malheur ni mauvaise chance, à être toujours libre, indépendant, sans entrave, en accord parfait avec le gouvernement de Jupiter, te soumettant à lui, t’en trouvant heureux, sans reproche ni accusation contre personne, en état de dire du fond du cœur, ce vers:

« Conduisez-moi, ô Jupiter, ô destinée! »

Puis, toi qui t’étais proposé un pareil but, une façon de dire te séduit, certaines questions de logique te séduisent, et tu ne vas pas plus loin; tu prends le parti de demeurer là, sans plus songer à ce qu’il y a dans la maison, et tu dis: « Cela est bien joli! » Et qui te dit que cela n’est pas joli? Mais ça l’est à la façon d’un lieu de passage, à la façon d’une hôtellerie. Qu’est-ce qui empêche, en effet, d’être malheureux, en parlant aussi bien que Démosthène? Sache analyser les syllogismes aussi bien que Chrysippe, et qu’est-ce qui t’empêchera d’être misérable, de te lamenter, d’être jaloux, d’être bouleversé, en un mot, et d’être malheureux? Rien, certainement. Tu vois donc bien que ce n’était là que des hôtelleries sans valeur, et que autre était ce que tu cherchais.

Quand je parle ainsi devant certaines gens, ils s’imaginent que je veux détruire l’étude de la parole ou celle des questions de logique. Non, je ne veux pas détruire ces études; mais je veux qu’on cesse de s’y attacher comme au bien suprême, et de mettre en elles toutes ses espérances. Si c’est nuire à ses auditeurs que de leur enseigner cela, mettez-moi au nombre de ceux qui leur nuisent. Mais, quand je vois que le bien souverain, le bien