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places publiques, comme si c’était des montagnes, et mettre à nu devant les tribunaux des actions qui sont celles de brigands. Ce ne sont pas des opinions d’homme que celles qui font de nous des débauchés, des adultères, des agents de corruption, et qui nous rendent coupables les uns envers les autres de tous ces torts qui naissent de cette seule et unique pensée, que notre moi et notre bien se trouvent dans les choses qui ne relèvent pas de notre libre arbitre. Mais, si tu entends dire que ces hommes croient réellement que leur bien n’est que dans la faculté de juger et de vouloir, et dans le bon usage des idées, ne t’inquiète plus de savoir si c’est un fils et un père, si ce sont des frères, ni si ce sont des camarades qui vivent ensemble depuis longtemps; tu en sais assez pour déclarer hardiment que ce sont des amis, comme tu peux déclarer qu’ils sont loyaux et justes. Où l’amitié se trouvera-t-elle, en effet, si elle ne se trouve où sont la loyauté, l’honnêteté, et le don de tout ce qui est beau, sans mélange d’aucune autre chose?

— « Mais voilà si longtemps qu’il me rend des soins, et il ne m’aimerait pas! » — Esclave! que sais-tu s’il ne te rend pas ces soins, comme on nettoie sa chaussure ou sa bête de somme? Que sais-tu s’il ne te jettera pas comme un plat fêlé, lorsque tu seras devenu un meuble inutile? — « Mais elle est ma femme, et il y a si longtemps que nous vivons ensemble! » — Combien de temps Eriphyle n’avait-elle pas vécu avec Amphiaraüs? Et ne lui avait-elle pas donné de nombreux enfants? Mais un collier vint se mettre entre eux d’eux. Est-ce bien le collier qui vint s’y mettre? Non; mais l’opinion