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un sacrifice à Dieu. L’habitude, en effet, commence par s’affaiblir, puis elle disparaît entièrement. Si tu peux te dire: « Voici un jour que je ne me suis pas affligé; en voici deux; puis voici deux mois, voici trois mois; j’ai veillé sur moi, quand il s’est présenté des choses qui pouvaient me contrarier, » sache que tout va bien chez toi. Si je puis me dire: « Aujourd’hui, à la vue d’un beau garçon ou d’une belle femme, je ne me suis pas dit: Plût aux dieux qu’on couchât avec elle! ni, Bienheureux son mari! (car celui qui dit cela, dit aussi: « Bienheureux son amant! ») Je ne me suis pas non plus représenté tout ce qui s’en suit, cette femme près de moi, se mettant nue, se couchant à mes côtés, » je me caresse la tête, et je me dis: « C’est bien, Epictète! Tu es venu à bout d’un beau sophisme, d’un sophisme bien plus beau que celui qu’on nomme le Dominateur. » Et, si cette femme ne demandait pas mieux, si elle me faisait des signes, si elle envoyait vers moi, si elle me touchait et se mettait tout près de moi, et que je me dominasse encore et triomphasse d’elle, ce serait venir à bout d’un sophisme bien au-dessus du Menteur et de l’Endormi, Voilà ce dont on a le droit d’être fier, et non pas d’avoir proposé le Dominateur!

Mais comment en arriver là? Veuille te plaire à toi-même; veuille être beau aux yeux de Dieu; veuille vivre pur avec toi-même qui resteras pur, et avec Dieu. Puis, quand il se présentera à toi quelque apparition de ce genre, Platon te dit: « Recours aux sacrifices expiatoires; recours, en suppliant, aux temples des dieux tutélaires; »