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c’est en apprenant certaines choses que le pilote devient pilote. N’admettrons-nous donc pas ici aussi que, pour devenir un sage parfait, il ne suffit pas de vouloir, et qu’il faut encore apprendre certaines choses ? Nous cherchons-donc quelles elles sont. Or, les philosophes disent que la première chose à apprendre, c’est qu’il y a un Dieu, que son intelligence s’étend d’avance sur tout l’univers, et que nous ne pouvons lui dérober non-seulement nos actes, mais encore nos pensées ou nos sentiments. La seconde, c’est ce que sont les dieux ; car ce qu’ils se trouveront être, il faudra que l’homme, qui veut leur plaire en leur obéissant, cherche à l’être, pour leur ressembler dans la mesure de ses forces. Si la divinité est loyale, il faudra que l’homme soit loyal ; si elle est libre, il faudra qu’il soit libre ; si elle est bienfaisante, il faudra qu’il soit bienfaisant ; si elle a le cœur haut placé, il faudra qu’il l’ait ; enfin ce sera à l’imitation de Dieu, qu’il lui faudra tout dire et tout faire.

— Par où faut-il donc commencer ? — Si tu le veux bien, je te dirai qu’il faut commencer par comprendre les mots. — Ainsi donc aujourd’hui je ne comprends pas les mots ? — Tu ne les comprends pas. — Comment est-ce donc que je m’en sers ? — Comme ceux qui ne savent pas lire se servent des mots écrits, et les bestiaux des idées des sens. Autre est de se servir des choses, autre est de les comprendre. Si tu crois comprendre les mots, apporte-moi celui que tu voudras, le mot bien et le mot mal par exemple, et demandons-nous si nous les comprenons. Mais il est triste de se voir convaincre d’erreur, quand on a déjà un certain âge, et que