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N’y a-t-il donc pas ici un moyen de juger qui soit supérieur à l’apparence ? Eh ! comment se pourrait-il que ce qu’il y a de plus nécessaire à l’homme fût impossible à découvrir et à reconnaître ? Ce moyen existe donc.

Pourquoi alors ne pas nous mettre à le chercher, à le trouver, pour nous en servir, après l’avoir trouvé, sans plus nous tromper désormais, car nous n’étendrons même plus le doigt sans recourir à lui ? Or, ce moyen, dont la découverte guérira de leur folie ceux qu’égare l’apparence, leur seule mesure du vrai, le voici, je crois : désormais nous ne partirons que de principes bien reconnus et bien déterminés, et nous commencerons par bien éclaircir nos notions premières avant de les appliquer aux faits particuliers.

Quel objet se présente donc à notre examen en ce moment ? Le plaisir. Applique-lui la règle ; mets-le dans la balance. Le bien doit-il être de nature à nous donner toute sécurité ? — Oui. — À nous inspirer toute confiance ? — Nécessairement. — Or, peut-on être sûr de ce qui est instable ? — Non. — Le plaisir est-il stable ? — Non. — Enlève-le donc ; ôte-le de la balance ; jette-le loin de la place des vrais biens. Que si tu n’as pas la vue bonne, et si une seule balance ne te suffit pas, en voici une autre. A-t-on le droit d’être fier de ce qui est bien ? — Oui. — La présence du plaisir nous donne-t-elle donc le droit d’être fiers ? Prends garde de répondre qu’elle nous le donne ; si non, je ne te croirai plus de droits à te servir de la balance. Voilà comme on apprécie et comme on pèse ces choses, quand on s’est fait des règles de jugement. Philosopher n’est