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CHAPITRE X




Comment de nos différents titres on peut déduire nos différents devoirs.

Examine qui tu es. Avant tout, un homme, c’est-à-dire un être chez qui rien ne prime la faculté de juger et de vouloir. Tout le reste lui est soumis ; mais quant à elle, elle est libre et indépendante. Examine de qui te distingue la raison ? Elle te distingue des bêtes sauvages ; elle te distingue des bestiaux. En plus, tu es citoyen du monde, dont tu es une partie ; et non pas une des parties destinées à servir, mais une partie destinée à commander ; car tu peux comprendre le gouvernement de Dieu, et te rendre compte de l’enchaînement des choses. Quel est donc le devoir du citoyen ? De ne jamais considérer son intérêt particulier ; de ne jamais calculer comme s’il était un individu isolé. C’est ainsi que le pied ou la main, s’ils pouvaient réfléchir et se rendre compte de la construction du corps, ne voudraient ou ne désireraient jamais rien qu’en le rapportant à l’ensemble. Aussi les philosophes ont-ils raison de dire que, si l’homme de bien prévoyait l’avenir, il coopèrerait lui-même à ses maladies, à sa mort, à sa mutilation, parce qu’il se dirait que ce sont là les lots qui lui reviennent dans la distribution de l’ensemble, et que le tout est plus important que la partie, l’état que