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CHAPITRE XXIX




De la force d'âme.

Le vrai bien est dans une certaine façon de juger ou de vouloir ; le vrai mal, dans une certaine autre. Et les objets extérieurs que sont-ils ? Les choses sur lesquelles s’exerce notre faculté de juger et de vouloir ; et suivant la manière dont elle se comporte vis-à-vis d’elles, elle arrive au bien ou au mal. Comment arrivera-t-elle au bien ? Si elle ne s’en laisse pas imposer par les choses ; car des jugements sains sur les choses nous font une volonté droite à son tour ; des jugements erronés et à côté du vrai, nous en font une dépravée. C’est là une loi qu’a établie Dieu lui-même, qui a dit : « Si tu désires quelque bien, tire-le de toi-même. » — Non, dis-tu ; mais d’un autre. — « Non pas ; de toi-même. » Par suite, quand un tyran me menace et me fait venir, je lui dis : « Qui menaces-tu ? » S’il me répond : « Je te ferai enchaîner, » « Ce sont mes mains et mes pieds que tu menaces, » lui dis-je. S’il me répond, « Je te ferai couper le cou, » je lui dis : « C’est mon cou que tu menaces. » S’il me répond : « Je te ferai jeter en prison, » je lui dis : « Ce ne sera que ma carcasse. » Même chose, s’il me menace de l’exil. — Nulle de ses menaces ne s’adresse-t-elle donc à toi ? — Aucune, si je regarde ces choses-là comme m’étant indifférentes ; mais si