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À ce moment Épictète s’adressa à celui qui lisait ce traité des Hypothétiques ; ce qui fit rire l’individu qui avait donné l’ordre de lire. C’est de toi-même que tu ris, lui dit le philosophe. Tu n’as pas commencé par exercer ce jeune homme ; et tu ne t’es pas assuré qu’il était capable de comprendre ce qu’il lit. Peux-tu bien t’en servir comme de lecteur ? Et comment, continua-t-il, quand un esprit n’est pas de force à démêler un raisonnement embarrassé, nous en rapporterons-nous à ses louanges, à ses blâmes, à ses jugements sur ce qui se fait de bien ou de mal ? S’il critique quelqu’un, celui-ci y fera-t-il attention ? S’il le loue, celui-ci sera-t-il bien fier d’être approuvé d’un homme qui dans des choses aussi minimes ne sait pas trouver la conclusion ? La première chose à faire, quand on étudie la philosophie, c’est de connaître en quel état est notre partie maîtresse ; car, si on la sait faible, on ne voudra pas l’appliquer aux choses les plus difficiles. Mais aujourd’hui des gens qui ne pourraient pas avaler un petit livre qui ne ferait qu’une bouchée, achètent de gros volumes qu’ils s’efforcent de digérer. De là les vomissements ou les indigestions, puis les coliques, puis les flux de ventre, puis les fièvres. On devrait d’abord se demander ce dont on est capable. Mais, si dans les questions de logique il est facile de confondre l’ignorant, dans la vie nous ne nous présentons jamais à qui peut nous confondre, et nous haïssons qui nous confond. Socrate disait pourtant que vivre sans examen ce n’était pas vivre.