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LE VOYAGE DE GYLFE.

château, appela son échanson et lui ordonna d’apporter la coupe dont les courtisans avaient coutume de se servir. L’échanson obéit à l’instant, et remit la coupe à Thor. Loke d’Utgôrd dit alors : « Vider cette coupe d’un trait, c’est ce que nous appelons bien boire. Quelques-uns la vident en deux coups, mais aucun de nous n’est assez mauvais buveur pour ne point la vider en trois. » Thor regarda la coupe et ne la trouva pas trop grande, quoique passablement longue de pied. Ayant soif, il l’approcha de sa bouche, et but beaucoup, pensant qu’il la viderait. À la fin, n’en pouvant plus, il ôta la coupe de ses lèvres, et ne fut pas médiocrement surpris en voyant qu’elle était presque aussi pleine qu’auparavant. Loke d’Utgôrd dit : « Tu as bien bu, mais pas trop cependant. Jamais je ne me serais figuré qu’Asa-Thor ne pourrait boire davantage. Je suis certain que tu videras cette coupe au second trait. » — Thor ne répondit pas ; il rapprocha la coupe de sa bouche avec l’intention de la vider, et but de toutes ses forces ; mais lorsqu’il la regarda, il lui parut que son contenu avait moins baissé que la première fois ; cependant on pouvait la porter maintenant sans craindre d’en rien répandre à terre. Loke d’Utgôrd dit : « Comment te trouves-tu, Thor ? Ne te ménage pas à présent. Je crois que tu videras la coupe cette fois ; mais si tu n’es pas plus habile sous d’autres rapports, tu ne seras pas un grand homme parmi nous comme parmi les Ases. » Thor, en entendant ces pa-