Page:Les Eddas, trad. Puget, 2e édition.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
LE VOYAGE DE GYLFE.

obligé, ainsi que ses compagnons, de se glisser entre les barreaux pour pénétrer dans le château. Ayant trouvé la porte ouverte, ils entrèrent et virent un grand nombre d’hommes, dont la plupart étaient d’une taille très-élevée, assis sur des bancs. Les voyageurs se présentèrent ensuite devant le roi Loke d’Utgôrd, et le saluèrent. À peine s’il daigna leur accorder un regard ; il dit en souriant : « Quand les nouvelles viennent de loin, il est difficile de les avoir véridiques. Suis-je abusé par une vision en prenant cet enfant pour Ok-Thor ? Tu es peut-être plus grand que tu ne le parais. Compagnons, à quels exploits êtes-vous préparés ? Pour être souffert parmi nous, il faut se distinguer dans un art ou une science quelconque. » — Celui des compagnons de Thor qui était entré le dernier, c’est-à-dire Loke, répondit : « Je possède un talent dont je puis donner des preuves à l’instant. Pas un de vous ne mange aussi vite que moi. » Loke d’Utgôrd répliqua : « C’est, en effet, un talent ; nous allons le mettre à l’essai. » Il appela alors Loge, l’un des hommes assis sur le banc, et le chargea de rivaliser avec Loke. On plaça au centre de la salle une auge remplie de viande ; Loke s’assit à l’une des extrémités, et Loge à l’autre. Ils mangèrent tous deux à qui mieux, et se rencontrèrent au milieu de l’auge. Loke avait mangé toute la viande de son côté, mais Loge avait mangé la viande, les os et l’auge. Tous les spectateurs s’accordèrent à dire que Loke avait perdu la partie.