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LE POÈME DE GRIMNER.

les ayant accompagnés sur le rivage ainsi que sa femme, il dit quelques mots à part à Gejrœd. Les navigateurs eurent le vent pour eux, et atteignirent le royaume de leur père. Gejrœd était à l’avant ; il sauta à terre et poussa le navire au large, en disant : « Va maintenant où les petits te prendront. » Le vaisseau avança en mer ; mais Gejrœd monta à la ville, où il fut bien reçu. Son père étant mort, Gejrœd fut proclamé roi, et devint un homme très-célèbre. Odin et Frigg étaient assis sur Hlidskjalf, et leurs regards parcouraient le monde. Odin dit : « Vois-tu ton fils adoptif, Agnar, qui a des enfants avec la géante dans la caverne ? Mon fils adoptif Gejrœd, au contraire, est roi et possède un royaume. » Frigg répondit : « C’est un avare, il affame ses convives, quand il en trouve le nombre trop grand. » Odin dit que Frigg proférait le plus grand des mensonges, et ils firent un pari à ce jujet. Frigg envoya Fulla sa messagère à Gejrœd, et l’invita à se méfier d’un homme très-versé dans la magie, qui était arrivé dans son royaume ; pas un chien ne serait assez enragé pour courir sur lui, on pourrait le reconnaître à ce signe. Dire que Gejrœd n’était point hospitalier, c’était articuler une calomnie ; cependant, il fit saisir l’homme que les chiens ne voulurent point attaquer ; il était vêtu d’un manteau bleu, dit s’appeler Grimner, et ne donna point d’autres renseignements sur lui, malgré toutes les questions qu’on lui adressa. Le roi le fit mettre à la torture pour le