nains l’engagèrent à ramer sur la mer. Quand on se trouva un peu éloigné du rivage, Fjalar et Galar ramèrent vers des écueils cachés sous l’eau, et culbutèrent la barque. Gilling, ne sachant pas nager, se noya ; mais les nains retournèrent le bateau, et revinrent à terre, où ils racontèrent à la femme de Gilling le malheur arrivé à son mari. Elle en éprouva une grande douleur et se mit à sangloter bien haut. Fjalar lui demanda si son chagrin ne serait pas adouci par la vue de l’endroit où son mari avait péri ; à quoi elle répondit affirmativement. Le nain dit alors à son frère Galar de se placer au-dessus de la porte, et de jeter une meule sur la tête de cette femme quand elle sortirait, car il ne pouvait supporter ses cris. Galar obéit. Suttung, le fils du géant Gilling, ayant appris la mort de ses parents, partit et s’empara des deux nains, qu’il déposa sur un récif dans la mer. Les deux nains supplièrent Suttung d’épargner leur vie, et offrirent comme composition leur merveilleux hydromel, ce qui fut accepté. Suttung emporta donc cet hydromel chez lui, et le cacha dans un endroit appelé Nitberg, dont il confia la garde à sa fille Gunnlœd. Voilà pourquoi la poésie est désignée maintenant par les expressions suivantes : Sang de Qvaser, boisson des nains, liqueur d’Odrærer, de Bodn ou de Son, navire des nains (puisque cet hydromel les sauva des récifs où ils étaient exposés), hydromel de Suttung, ou liqueur de Nitberg.
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ENTRETIEN DE BRAGE AVEC ÆGER.