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rendre dans sa demeure, et la première personne que je saluerai, ce sera elle. Il me semble que ce serait un sacrilège d’arrêter sur une autre figure que la sienne mon premier regard.

Comme les heures heures boiteuses se traînent lentement ! Cette nuit est plus longue que les longues nuits d’hiver de la Laponie. Le climat de Moscou serait-il donc si changé que l’aurore n’y apparut qu’à neuf heures du matin ? Mais c'est la dernière nuit de la cruelle séparation. Demain, je m’éveillerai avec l’heureuse pensée que chaque jour, désormais, je verrai ma Pauline. Qu’elle se traîne donc de minute en minute cette nuit interminable : elle est pour moi la dernière goutte de la coupe des douleurs.

Je viens d’ouvrir la fenêtre. Quel beau temps ! Quel air tiède ! Il me semble que ce ciel étoilé me sourit. Et l’on parle des charmantes soirées de l’Italie ! Il ne peut y en avoir en Italie de plus douces que celle-ci. La chambre que j’occupe est voilée par l’obscurité, comme pour détourner mes regards des images terrestres, pour qu’ils restent avec mon âme fixés sur le ciel. Et maintenant je voudrais sentir poindre en moi quelque douleur, je crois que je l’accueillerais avec un placide sourire.

Enfant ! Tu es à peine échappé de l’onde où tu as failli périr, et tu ne crains pas d’aller jouer sur ses rives. Téméraire ! Ai-je déjà perdu le souvenir de ces nuits que je passais à pleurer ? Ne sais-je plus quel en fut le nombre, et quelle en fut l’amertume ? Oui, je frémis encore de songer combien je fus près de l’abîme, et combien de fois. Mais à présent, si je voyais un homme entraîné par