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ne s’arrête donc dans un village que pour boire et manger ? Est-ce qu’on ne peut rester en paix dans son refuge pour y vivre de son bonheur et de ses rêves ?

De ses rêves ! Qu’ai-je dit ? Ce qui ne fut longtemps pour moi qu’un rêve est devenu une réalité. Ô Pauline, tu seras à moi !

Quel changement merveilleux dans ma situation ! Et comment ? Par quelques pièces d’or. Il y a un mois. j’étais dans un état désespéré. Avec quelle tristesse je regardais alors le monde et ses fêtes joyeuses, non que je fusse en proie à l’envie, non, je n’ai point ressenti ce sentiment hideux. Mais j’éprouvais une amère douleur à observer les heureux de la terre, à penser à toutes les sources de félicité que Dieu à mises dans le monde, dans la vie humaine, dans mon cœur, et j’étais tourmenté d’un désir ardent qui ne pouvait être apaisé. Déjà je me voyais condamné à languir sans secours sous le fardeau de ma douleur... Peut-être. Le dirai-je ?… et quelques sacs d’écus ont changé ma destinée.

Mais pourquoi me suis-je arrêté ici ? Est-ce là encore une de ces énigmes singulières de l’existence ? Non, mon cœur était trop plein d’émotions. Je devais m’arrêter dans le sentiment de mon bonheur. En poursuivant ma route, je ne serais arrivé à Moscou que dans la nuit, et, comment passer tout le reste de la nuit, à quelques pas de Pauline, sans la voir ? Cela n’était pas possible. À présent je ne suis plus séparé d’elle que par une distance de vingt werstes. En une heure, je puis les franchir, et les premiers pas que je ferai dans Moscou, ce sera pour me