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Jusqu’à ce moment, je n’avais pas réfléchi qu’il pouvait être à la campagne.

— Est-ce qu’il dort encore? Ordinairement il est si matinal!

— C’est vrai, m’a répondu Michel; mais, depuis sa dernière maladie, il est très-affaibli.

Et alors le vieux serviteur s’est mis à me raconter toutes les souffrances physiques de son maître. J’aurais pu aisément prolonger avec lui l’entretien jusqu’à ce que tous les habitants de la maison fussent levés, quand je m’avisai de lui demander des nouvelles de sa jeune maîtresse.

—Dieu soit loué! me répondit-il, elle se porte bien; mais à présent elle n’est pas au logis, elle est près d’Ostankof, dans la maison de campagne de sa tante Pradkova Ivanovna.

À ces mots, je fus sur le point de proférer une malédiction. Cette tante, je n’avais jamais pu la souffrir.

Que faire? Je m’éloignai triste, rêveur, et machinalement je me dirigeai vers la terrasse du Kremlin. Là, je me promenai de côté et d’autre comme un provincial qui, arrivant pour la première fois à Moscou, va contempler les canons du tzar, la cloche du tzar, et l’église d’Ivan. Moi, qui arrivais dans cette ville avec tant de joie, avec un si vif, si ravissant espoir, je n’éprouvais plus à présent qu’une morne indifférence. Je ne me souciais nullement d’aller voir la famille de Pauline, je regardais d’un œil morne le merveilleux panorama de Moscou, quand soudain je fus réveillé dans ma torpeur par une pensée qui