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La providence m’accorda seulement quelques jours de joie dans ces fatales années. Le père de Pauline, en se rendant en pays étranger avec sa fille, s’arrêta à Pétersbourg, et je la revis, et elle sembla surprise de ma revoir. Je n’étais plus le gauche, timide employé qui faisait une si triste figure à Moscou. Tout, dans mon extérieur, dans mes manières et mon langage, était changé. Elle ne fut plus embarrassée de me laisser m’asseoir à côté d’elle, ni de remarquer mon amour. Pendant trois jours, je n’allais ni au bal, ni en soirée ; je restai près d’elle ; je savourai trois jours de bonheur.

Mais cette apparition me fit mesurer plus douloureusement que jamais l’immense espace qui me séparait de la riche jeune fille. Voudrait-elle se dévouer à moi comme ma mère s’était dévouée à mon père? Non... Atterré par cette réflexion, je ne me relevais que par des rêves insensés.

Tout à coup, quand j’allais être enfermé par mes créanciers, quand déjà j’avais dû renoncer à mes fonctions officielles, quand je voyais, dans le cercle de mes amis et de mes connaissances, éclater le hideux égoïsme, tout à coup j’appris la mort de mon oncle, et j’appris en même temps que j’héritais de tous ses biens. Je passais si subitement du désespoir de la misère aux jouissances de la fortune, que dans le premier moment j’en éprouvai moins de joie que de stupéfaction. Pauvre vieil oncle ! j’avais été longtemps un de tes soucis... Encore quelques jours... qui sait?... peut-être qu’en réponse à tes dernières dispositions, un agent de police aurait écrit dans son rapport :