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qu’ils ne s’en consoleraient jamais, excepté Octavio que je ne vis plus. Le jour de mon départ arrivé, ils montèrent tous à cheval pour accompagner ma voiture jusqu’à Torrebianca. Là, quand l’instant suprême de la séparation fut arrivé, je demandai un verre pour boire à la santé de Florence dont les clochers se dessinaient au fond du paysage ; je le fis remplir d’un montefiascone pétillant et limpide, et je portai en riant le toast suivant :

« Honneur à toi, vieille Florence, qui m’as donné une hospitalité bienveillante dans tes murs ! tu seras longtemps encore l’Athènes de l’Italie, la riante cité des parfums et des fleurs, quoique tu vives plus sur ta réputation passée que sur ton esprit d’aujourd’hui. Moi, je t’aime, malgré tes rues les plus tristes du monde entre tes anciens palais semblables à des prisons ; je t’aime pour tes enfants qui sont gais, spirituels, polis, et que je trouverais des cavaliers parfaits, s’ils ne prononçaient pas la belle langue italienne comme des malades qui se gargarisent. »

Ils accueillirent mon toast par des acclamations mêlées de bruyants éclats de rire. Je leur donnai à tous ma main à baiser ; mais Octavio n’y était pas. – Vous ferez mes adieux au comte Arriani, ajoutai-je, et vous le remercierez de ce qu’il n’a pas voulu troubler par son visage mélancolique la gaieté de notre séparation.

— Elle dut être gaie en effet, dit Cornelio ; car tu arrivas ici folle comme je ne te t’avais jamais vue. Les échos de la vieille tour répétèrent, pendant les deux jours que tu y restas, plus de chansons et d’éclats de rire qu’ils n’en ont entendu depuis leur construction.

— C’est le cas de dire avec le poète, ô mon père, Nessun maggior dolore

— C’est bien, reprit le vieillard ; je sais le vers du Dante ; il est trop triste pour l’achever. Mais continue ton récit.

— Je partis, comme vous savez, pour Venise, où je