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allégories bizarres, la pensée toujours profonde et savante du siècle dont elles retracent l’esprit. Car ces fresques sont l’œuvre du florentin Giotto, et c’est là qu’il a peint son fameux jugement dernier, d’après les conseils de son compatriote Dante Alighieri, alors exilé à Padoue, où il consacrait à son poème immortel tout le temps qu’il n’employait pas à ergoter contre les docteurs de l’université sur des thèses théologiques ou philosophiques.

Auprès de l’église se trouve un puits ancien, qui a aussi sa célébrité. C’est une espèce de citerne voûtée, assez vaste pour que d’en haut l’œil n’en puisse pas apercevoir tout le pourtour. Sa margelle, ciselée avec soin, présente, aux quatre coins, le lion ailé des artistes de la période lombarde. À en croire la tradition, c’est au fond de ce puits que le Dante, poursuivi peut-être par les bizarres peintures du Giotto, crut voir, enfoncé jusqu’à mi-corps dans l’eau, ce démon fantastique, qu’il plaça depuis, sous le nom de Satan, au fond de l’entonnoir symbolique de son enfer.

Tel était l’endroit écarté où Cornelio avait donné rendez-vous à son compagnon pour accomplir ses opérations magiques. Mais, malgré les indications précises qu’il lui avait données du haut de la tour, celui-ci, étranger à la ville, n’avait pas tardé à s’y égarer. Deux ou trois passants, qu’il avait rencontrés dans les rues à cette heure avancée, n’avaient pu lui montrer le chemin de l’Annunziata ; ce qui le convainquit de cette vérité, que personne ne connaît plus mal une ville que ceux qui l’habitent. Il fit donc beaucoup plus de chemin qu’il n’en aurait dû faire et n’arriva que peu de minutes avant minuit.

La lune, qui commençait à s’élever dans le ciel, répandait alors sa lumière incertaine sur le gazon de l’antique arène. Du plus loin que l’étranger découvrit l’église, il vit, à côté du puits, une grande figure immobile, qui semblait considérer avec attention la pointe supérieure de la façade. Il aurait presque pu la prendre pour une des chimériques imaginations du Giotto,