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— Saincte Barbe ! n’en sçavez-vous que cela ? dit une femme du faux-bourg Sainct-Germain ; vramy, on en dit bien d’autres en nos cartiers : on tient qu’il revient un esprit dans les Carmes deschaussez (je ne sçay si ce n’est point celuy qui s’est fait enterrer en son jardin). L’autre jour la reyne en voulut sçavoir des nouvelles certaines40 : elle y envoya un gentil-homme, qui sur ce suject fut prié de disner au refectoir ; mais il n’eust pas loisir de manger : car l’esprit, bien qu’invisible, luy deschira son collet et son pourpoint.

— N’est-ce point aussi la déesse Cerès41, qui est


40. Anne d’Autriche aimoit en effet à s’enquérir de ces choses surnaturelles, de ces histoires d’Esprits qui couroient alors le monde, Paris comme la province. Il y en avoit un à La Flèche qui faisoit beaucoup de bruit. Malherbe en reçut des nouvelles par Racan ; et comme il y avoit là « de quoy entretenir la reine », il se hâta de remercier son ami, et de lui demander de nouveaux détails, par une lettre du 4 novembre 1623. D’après les questions qu’il lui fait touchant cet esprit, dont il paroît que les Jésuites s’occupoient fort, on voit qu’il étoit d’une assez amoureuse nature. « Informez-vous, dit-il, quand commença la recherche de cet inconnu, et combien de temps après le mariage ; s’il couche avec elle, et ce que le mary fait ce pendant ; ce qu’en dit la demoiselle ; et si, quand ils sont ensemble dans le lict, il ne parle point à elle, et ce qu’il luy dit ; si elle est melancolique, et si elle tesmoigne n’y prendre point de plaisir. »

41. On pense que le couvent des Carmélites de la rue