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question demanderait une étude détaillée. Il y a là, outre des causes historiques, des causes économiques profondes. La Chine, dont la superficie égale celle de l’Europe, ne saurait être considérée comme un tout indivisible. Chacune de ses provinces forme un pays distinct. Ainsi, le Kouang-Toung a 20 millions d’habitants, le Chan-Toung, 36 millions ; en somme, chaque province a au moins 20 à 30 millions d’habitants.

Dans un pays si vaste et si peuplé, où il n’existe pas de réseau de chemins de fer, où l’industrie est encore arriérée, où le commerce n’est pas concentré, la lutte entre des potentats militaires régnant dans telle ou telle province peut être considérée comme une lutte de seigneurs féodaux pour le pouvoir. C’est ce qui apparaît encore plus clairement si l’on considère que la Chine est peuplée de diverses nationalités, parlant des langues différentes.

De la sorte, ce grand pays à langues diverses est l’arène d’une lutte semblable à celle qui a lieu dans tout autre pays sans liaison économique, sans intérêts économiques généraux, privé de centres, sans bourgeoisie unique.

La bourgeoisie chinoise s’appuie principalement sur le capital de la puissance étrangère dans la sphère d’influence de laquelle elle se trouve. La bourgeoisie du Chan-Toung, par exemple, s’appuyait autrefois sur le capital allemand, les provinces centrales sur le capital anglais, les grands ports sur l’Angleterre et l’Amérique, la Mandchourie sur le Japon. Ainsi, le pays ne pouvait être centralisé et c’est pourquoi la lutte est comme le résultat de forces centrifuges. Dominant dans les trois provinces orientales, ayant son armée, ses revenus, lié à la bourgeoisie marchande chinoise, principalement avec celle qui fait le commerce des blés (la Mandchourie est le grenier de la Chine du Nord ; en outre, elle exporte son blé dans d’autres pays), lié en outre avec le Japon par l’intermédiaire du capital marchand chinois, Tchang-So-Lin s’efforce d’étendre ses possessions, car il a besoin de grandes forces militaires, de transports et veut s’affermir dans le territoire déjà conquis.

Il en est de même pour le général Ou-Peï-Fou qui cherche à s’étendre du centre vers le nord et le sud. Ainsi, les intérêts des militaristes chinois s’entre-choquent. Mais ils n’auraient jamais amené un conflit si rapide et la lutte n’aurait jamais pris des proportions si formidables, si les impérialistes étrangers n’avaient attisé les rivalités et jeté les adversaires les uns sur les autres.

Le sens de la lutte actuelle
dans le Nord et le Centre de la Chine

Quelle est l’attitude des impérialistes en Chine ? Ils déclarent qu’il n’y a pas d’ordre dans le pays, que les intérêts des citoyens étrangers y sont menacés ; par suite, ils demandent une extension de la zone « neutre », c’est-à-dire un élargissement des concessions étrangères et l’institution d’une surveillance spéciale des chemins de fer, ce qui équivaudrait au contrôle étranger sur les chemins de fer et sur la vie politique du pays, et cela soi-disant pour protéger la vie et la fortune des sujets étrangers. C’est dans ce but que les impérialistes fomentent des troubles dans le pays, enveniment la lutte entre Tchang-So-Lin et Ou-Peï-Fou. Maintenant, les Etats-Unis n’ont plus la patience d’attendre la disparition progressive de l’influence du Japon du fait de la concurrence économique et sa retraite devant le capital américain. Ils estiment qu’après