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Nos syndicats sont également l’objet de la haine des auxiliaires de Mac Donald. Or, quand leurs représentants sont arrivés en Angleterre, ils y ont été accueillis avec un enthousiasme indescriptible. Les ouvriers anglais leur faisaient cortège, leur donnaient des mouchoirs rouges en souvenir, fraternisaient sincèrement avec eux.

Le niveau politique du prolétariat anglais
s’est sensiblement élevé

Quelque modérés, quelque enclins à l’opportunisme que soient les ouvriers anglais, ils n’en ont pas moins compris à leur manière l’avènement du parti travailliste au pouvoir. Ils se sont dit que, puisqu’ils avaient un gouvernement ouvrier, ils pouvaient faire une pression sur les riches, obliger ces derniers à délier les cordons de leur bourse, à venir en aide aux chômeurs, à procéder à la nationalisation des mines, des chemins de fer, etc. Ils ont conservé leur instinct de classe.

Ils ont commencé à comprendre qu’il leur fallait prendre véritablement le pouvoir en mains. Le gouvernement ouvrier actuel, se sont-ils dit, est le gouvernement de Sa Majesté ; n’empêche que la bourgeoisie a été obligée de nous laisser prendre le pouvoir ; donc, nous sommes une force, nous l’emportons. Et, instinctivement, ils ont cherché autour d’eux des alliés. Et où les ont-ils trouvés ? Evidemment en U. R. S. S. Ils commencent maintenant à réfléchir sérieusement aux mesures qu’il leur faudra prendre quand ils auront un gouvernement ouvrier véritable.

Comme l’avait prédit l’I. C., la classe ouvrière anglaise, en dépit de l’état d’esprit et des manœuvres de ses leaders, s’est incontestablement révolutionnée durant ces neuf mois. Au début même de l’expérience Mac Donald, nous disions : le gouvernement menchéviste servira à secouer les ouvriers anglais. C’est ce qui est arrivé. Le prolétariat anglais s’est mis à poser plus sérieusement la question du pouvoir. Or, voyant cela, Lloyd George et Curzon décidèrent qu’il fallait en finir. Ils avaient déjà retiré tout ce qu’ils pouvaient de Mac Donald et l’évolution des masses vers la gauche rendait dangereuse la continuation de l’expérience. Quand les libéraux et les conservateurs comprirent que Mac Donald, sous la pression des masses, allait être obligé de signer le traité anglo-soviétiste, ils se dirent : trêve de plaisanterie. Cette question est en effet de la plus haute importance ; c’est autour d’elle que s’est déroulée la dernière et que se déroulera la prochaine campagne électorale.

La bourgeoisie a fini par se rendre compte que le gouvernement travailliste était une arme à deux tranchants. L’arme était bonne quand il fallait frapper les ouvriers allemands (plan Dawes), faire une pression sur l’Inde ou sur la Chine. Mais l’existence de ce gouvernement archi-menchéviste enflammait les ouvriers, leur donnait le désir du pouvoir, les révolutionnait progressivement et créait par-dessus la tête de Mac Donald une jonction entre les ouvriers anglais et ceux de l’U. R. S. S.

La bourgeoisie a décidé que la plaisanterie avait assez duré. Son instinct de classe est extrêmement développé et, pour conserver sa domination politique, elle est prête à faire de grands sacrifices économiques.