Page:Les Cahiers de la quinzaine - série 10, cahiers 11 à 13, 1909.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour chaque homme et pour chaque événement, pour tout événement élémentaire, pour tout élément, pour toute molécule d’événement il vient une minute, une heure, il tombe une heure où il devient historique, il sonne un certain coup de minuit, à une certaine horloge du village, où l’événement, de réel, tombe historique.

Et comme il faisait très clair je profitai de cette grande clarté qu’il y avait pour voir du même regard à la même lumière pour voir qu’on n’a jamais, qu’on ne se fait, que jamais on ne peut se faire d’amis que du même temps et du même âge, que de son même temps, que des amis contemporains ; amis du même temps, du même âge, aequales, amis de la même compagnie, de la même formation, de la même société, du même monde. Amis du même appel, d’un seul et même ban, de la seule et même classe. Amis d’une (seule) fois, les seuls amis. Et je regardai qu’on ne recommence jamais. Amis nés, formés ensemble, les seuls véritables amis. Amis d’enfance, amis de famille ; amis d’école, de petite école, d’école primaire ; amis de lycée ; amis de régiment ; amis de cahiers ; ensemble les seuls qui soient véritablement des amis, littéralement ; les seuls à qui ce nom convienne, soit exact. Les seuls que ce nom puisse habiller jamais. Les autres ne comprennent pas. Je mets naturellement les amitiés de l’affaire Dreyfus, si secrètes, ensemble dans et parmi les amitiés des cahiers. Aussitôt après les suivants ne nous comprennent plus et ne nous comprendront jamais. Tout le reste est hautement honorable, ce qui suit, et utile, et souvent