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une deuxième fois, au deuxième degré, dans un réduit, intérieur, dans un cercle intérieur et concentrique, dans toute notre action à l’intérieur de notre peuple. Vaincus une première fois en race pour ainsi dire, dans notre race et dans notre souche et dans notre peuple et comme en effigie et en représentation anticipée, par une sorte de délégation antérieure, en image et plus qu’en similitude, intérieurement ensuite dans un cercle intérieur concentrique nous l’avons été nous-mêmes, sans image, (cette fois), et sans délégation. Sans députation aucune. La défaite enfante la défaite et jusqu’à la révocation de la défaite c’est un cercle vicieux de compromissions liées, de progressions, de dégressions circulaires descendantes. Ce n’est pas seulement la communication extérieure qui est coupée à un peuple vaincu, demeuré vaincu ; ce n’est pas seulement la conversation extérieure qui lui demeure interdite : c’est, nos révolutionnaires l’éprouveront, la communication même intérieure, la conversation même entre soi, même avec soi. Au coin du feu. Feu, foyer. Le premier des biens : la liberté ; le simple, l’intime, le vrai, le libre propos au coin de la cheminée. À ce coin de cette vieille cheminée nationale. Marquée pour nous de telles armes. Et la conversation même dans le secret du cœur, car la défaite, le goût de la défaite atteint jusqu’à la voix intime, altère jusqu’à la résonance de la voix intérieure la plus secrète. Nous avons été vaincus personnellement. D’autres, tout le monde, tous nos maîtres, se sont consolés de cet échec ; plus que de cet échec, infiniment plus ; infiniment plus que d’une défaite : de cet avortement frauduleux de l’affaire Dreyfus. À force de s’en consoler, quelques-uns, hélas, bientôt s’en réjouissent ;