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donnée définitive. La même situation se reproduira : la France d’un côté, le monde, représenté par une grande partie du monde, de l’autre. En fait il n’y a plus rien en effet en France entre le régime et je ne dis pas une révolution syndicaliste, mais le triomphe d’une révolution syndicaliste ; il n’y a plus une épaisseur, plus une feuille de papier. Mais il y a cette épaisseur externe, cette pellicule extérieure : le monde. Au moment de passer d’un langage à un autre, au moment de substituer au langage démocratique et parlementaire le langage syndicaliste et statutaire, nos syndicalistes, à qui rien ne s’oppose plus intérieurement, connaîtront, nos antipatriotes éprouveront que dans le système charnel et même dans un système mystique temporel, dans tout système temporel, il faut un corps, une chair temporelle qui soit le soutien, matériel, qui se fasse le support, la matière d’une idée. C’est très exactement, dans l’ordre politique et social, dans l’ordre historique, le problème de la relation du corps à l’esprit. Comme dans la création naturelle nous ne connaissons pas naturellement d’esprit qui n’ait le support de quelque corps (généralement quelque mémoire qui n’ait le support de quelque matière), qui ne soit incorporé de quelque sorte, et incarné (et c’est même la seule définition peut-être un peu sérieuse que l’on puisse donner de la création naturelle) de même ou plutôt du même mouvement, de la même considération, de la même définition dans cette même création, naturelle, nous ne connaissons pas naturellement d’idée, d’esprit politique ou social, — j’oserai dire, religieux, — d’esprit historique enfin qui se soit réalisé, qui ait même pu apparaître sans un certain corpus, sans un corps de peuple, sans un appui,