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propre sang, dans son propre peuple, le vaincu, le peuple vaincu ne peut pas se parler à lui-même le même langage que le peuple vainqueur. Car le reste du monde est là, qui écoute, qui intervient. Au moins comme témoin, sourdement, silencieusement, tacitement, présentement, par sa seule présence, même et surtout quand il n’intervient pas. Nos grands pères de la Révolution française s’en sont bien aperçus, qui ayant voulu parler un autre langage, un langage nouveau, substituer simplement un langage à un autre, un nouveau à un ancien, le langage nouveau régime au langage ancien régime, l’Europe bientôt entière s’intercala, finit par s’intercaler ; s’opposa ; et il y eut maille à partir. Nos moins grands contemporains s’en apercevront peut-être bientôt, si, comme tout permet de le supposer, ils ont l’intention de changer encore une fois de langage, de substituer encore une fois un langage à un autre, un nouveau à un ancien, le langage syndicaliste au langage parlementaire. Nos pères n’ont pas pu se parler (à eux-mêmes pourtant) le langage révolutionnaire, le langage nouveau régime sans qu’intervînt la guerre, et la victoire ou la défaite. Et il fallut choisir. Nos moindres contemporains (et quand je dis moindres je n’en sais rien, (et) je le dis par habitude, car enfin ces grands révolutionnaires n’étaient point si grands avant la Révolution, quelques années avant la grande, et même au seuil de la grande, et même assez de temps après le commencement de la grande, et nous ne savons nullement, nul ne peut augurer, même par habitude, nul ne peut conjecturer, nul ne sait ce que sera demain, quel ordre de grandeur nous arrivera demain), nos contemporains ne pourront, ce demain, se parler (à eux-