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ni vaincu ni vainqueur ; qu’il ne peut pas parler le même langage, ni tenir le même ton, qu’il a beau faire, qu’il ne peut pas, qu’il n’a pas droit au même ton ; qu’il n’y a pas le même droit physique, pour ainsi dire, que c’est irrévocable ; qu’une défaite militaire dure aussi longtemps qu’elle n’est pas réparée ; qu’une situation de vaincu militaire dure aussi longtemps qu’elle n’est pas révoquée ; qu’il peut bien y avoir des amnisties pour les guerres civiles, des amnisties qui sont d’ailleurs généralement, surtout aujourd’hui, des jeux parlementaires, des jeux de la politique parlementaire ; mais qu’il n’y a, qu’il ne peut y avoir ni amnésie ni amnistie militaire, pour les événements militaires, antécédents, pour les situations nées des événements militaires. Pour les situations faites militaires. Dans le sévère compte des forces militaires, des événements, des situations militaires. Parce que la force militaire est non pas seulement une force brutale, mais surtout une sorte de force pure, je veux dire une force plus purement force. C’est ici une question de saveur. On a beau faire ; on a beau vouloir se le faire croire : le goût de la défaite n’est pas le goût de la victoire, comme la résonance n’est pas la même, et il n’est pas même le goût de ni l’un ni l’autre. Celui qui ravale sa défaite, celui qui est vaincu, sa salive qu’il ravale n’a pas le même goût que celui qui est vainqueur ou que celui qui n’est ni l’un ni l’autre. C’est un goût irrévocable, jusqu’à ce que la défaite elle-même ait été révoquée.

Non seulement le vaincu ne peut irrévocablement plus parler au monde le même langage que le vainqueur ou même que celui qui n’est ni l’un ni l’autre ; mais en lui-même et dans son propre pays, dans son