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riture était pleine de germes. Ils n’avaient pas cette sorte de promesses de stérilités que nous avons aujourd’hui, si l’on peut dire, si ces deux mots peuvent aller ensemble.

Nous sommes des vaincus. Je crois, je suis assuré que jamais l’histoire n’a enregistré, n’a eu à enregistrer des vaincus comme nous, des vaincus autant que nous. En moins de cent vingt ans l’œuvre non pas de la Révolution française, mais le résultat de l’avortement de la Révolution française et de l’œuvre de la Révolution française sous les coups, sous la pesée, sous la poussée de la réaction, de la barbarie universelle est littéralement anéantie. Complètement. Et non seulement il n’en reste plus rien. Ni traces de rien. Mais nulles traces de promesses même, ni d’aucune fécondité ultérieure.

Nous sommes des vaincus avant que de naître. Nous sommes nés dans un peuple de vaincus. Nous sommes des vaincus militaires. Nous sommes nés, peu de temps après la défaite, après le désastre, après l’invasion, dans un peuple militairement vaincu. Nous sommes héréditairement et solidairement les vaincus d’une guerre désastreuse. Il faut le dire. Longtemps nous avons cru que nous serions des générations nouvelles, que nous ferions une œuvre nouvelle, non entachée ; que nous n’étions pas marqués, entachés de ce désastre ; de la trace de ce désastre. Une œuvre non marquée d’avance. Au moins irrévocablement. Il faut en revenir. Il faut s’y rendre. Il faut avoir le courage de le dire. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous avons voulu faire depuis quinze ans est commandé