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Nous sommes vaincus ; et nous sommes vaincus de la défaite la plus ingrate. Premièrement, au premier degré, nous sommes des vaincus. Deuxièmement, au deuxième degré, nous sommes historiquement battus d’une défaite telle, si petite, si désagréable à voir, au point qu’elle n’(en) est même pas laide, si mesquine, si insignifiante, si déplaisante, si désobligeante, que l’on ne s’occupera jamais de nous, si ce n’est peut-être pour nous juger, pour nous considérer comme les derniers des imbéciles ; ce qui sera sur nous, hâtons-nous de le dire, le véritable point de vue historique.

Nous sommes des vaincus. Nous le sommes même tellement, si complètement, que je ne sais pas si l’histoire aura jamais enregistré un exemple comme celui que nous fournissons. Je ne sais pas si la même histoire, que nous nous permettons d’avoir déjà nommée, aura jamais connu des vaincus comme nous, battus comme nous, non pas honteux certes, mais honteusement battus ; non pas d’une défaite qui apporte la gloire, à qui vont les suprêmes honneurs, — (de la gloire, car un secret instinct, un avertissement secret, un secret remords nous avertit qu’il y a toujours quelque impureté dans la réussite, une grossièreté dans la victoire, une certaine impureté, au moins métaphysique, un reliquat, un résidu d’impureté, une impureté résiduaire dans la fortune ; et qu’ainsi et pour la même cause et du même mouvement il n’y a de véritablement, de totalement pur, et ainsi de totalement grand, que la défaite, pourvu qu’elle soit vaillamment, glorieusement supportée, vaillamment, glorieusement acquise pour ainsi dire ; soutenue ; et qu’il n’y a, qu’il ne peut y avoir