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Nourris dans d’autres disciplines nous savons que la réalité est comme elle est, non comme elle apparaît ; qu’elle est ce qu’elle est, non ce qu’elle apparaît ; qu’elle vaut ce qu’elle vaut, non ce qu’elle se mesure ; qu’il faut la saisir ce qu’elle est, tant que nous le pouvons, nullement l’effleurer toujours de ces regards circonférentiels. De ces effleurements, qui ne touchent que des affleurements. Que la réalité est ce qu’elle est, non, nullement ce qu’elle rend à l’enregistrement, ce qu’elle laisse aux mains des méthodes résiduelles ; qu’elle est tout ce qu’elle est, non seulement, nullement seulement son propre résidu.

Nous savons que la réalité est ce qu’elle est, vaut ce qu’elle vaut, nullement ce qu’elle est rapportée, ce qu’elle est contée, ce qu’elle est même vue, ce qu’elle est estimée, ce qu’elle est honorée, ce qu’elle est considérée, ce qu’elle est glorifiée, ce qu’elle est commémorée, remémorée, ce qu’elle est regardée de ce regard perpétuellement tangentiel. Cette histoire ne nous fait jamais voir que des soleils couchés. Ces soleils qu’on attend sont des soleils couchés. Et elle veut nous faire croire au moins que ce sont des soleils couchants ; pour qu’il soit dit qu’ils ne sont pas tout à fait tombés. Des obliques rayons, des flammes éclatantes ; des soleils prolongés sur les cimes des tentes. Et les éclats mêmes, et les retentissements de sa voix, qui paraissent éternels, ne sont eux-mêmes que des échos prolongés sur les cimes des tentes.

Sa voix n’est qu’une voix d’échos.

Un regard de perspective et ainsi de circonspection. Or ce que la réalité est le moins, c’est circonspecte.