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regard partout présent, partout contemporain, qui saisit, embrasse, épuise tout d’un regard. Ce qui est dire, ce qui revient à dire qu’il s’en faut de deux infinités au moins, multipliées pour ainsi dire l’une par l’autre, que l’histoire saisisse, épuise la réalité de l’événement ; l’une qu’elle est infiniment incomplète dans son propre ordre ; l’autre que quand même par impossible elle y serait complète, même alors elle ne serait qu’un regard comme linéaire, un regard de perspective.

Or la réalité n’est pas plus faite pour une perspective ni épuisée par une perspective qu’un paysage n’est fait pour une perspective ni épuisé par une perspective. Ici comme là, et justement parce que le paysage lui-même est une réalité, un fragment de la réalité, une sorte de la réalité, une partie intégrante de la réalité, ici comme là il faut au moins, au premier degré, une infinité de perspectives ; et il faut en outre sortir de là, il faut au deuxième degré sortir de toute(s) perspective(s), sortir de l’ordre même de la perspective et des perspectives, essayer de contempler d’un tout autre regard.

— De quel éclat brillaient dans la bataille…

« Qui nous rendra, dit cet homme héroïque,
Aux bords du Rhin, à Jemmape, à Fleurus,
Ces paysans, fils de la République,
Sur la frontière à sa voix accourus ?

Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
Tous à la gloire allaient du même pas.
Le Rhin lui seul peut retremper nos armes.
Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas !