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comme Victor Hugo. C’était le seuil d’un grand événement. Et ces pierres, qu’on a foutues[1] par terre, surtout le lendemain, n’étaient pas des pierres comme tout le monde. Vous autres vous êtes mal placés.

Vous n’êtes même pas placés du tout.

C’est ainsi que parla sa voix triste et superbe. Triviale quelquefois, car elle est le maître de l’heure. Et en outre elle affectait la brutalité factice du langage militaire. Nous ne l’en croirons point. Nourris dans d’autres disciplines, nourris dans des cultures, nourris dans d’autres philosophies, nous savons de certain, nous connaissons, nous avons appris, nous avons connu de toute certitude que le regard de l’histoire n’est pas le seul regard et n’est pas tout le regard. Il n’est qu’un regard d’emplacement, de place, c’est elle qui le dit, de relativité des places, un regard de perspective. Il est, il peut être un regard de vérité. Il n’est point, il s’en faut, il ne peut pas être, aucunement, il s’en faut de tout, un regard de réalité, et surtout un regard d’épuisement de la réalité. Il n’est à aucun degré un regard total, un regard de la totalité. Nourris dans d’autres philosophies, d’autres philosophies nous ont enseigné, une philosophie notamment nous a révélé que la réalité a un tout autre prix, qu’elle a une valeur intrinsèque infiniment autre, infini-

  1. Foutues était là, comme on s’en doute, uniquement pour la couleur locale, et parce que l’histoire voulait se mettre au ton de son sujet. On sait assez en quoi consiste le langage révolutionnaire. Et aussi parce que c’est un langage militaire. — Note de la rédaction.