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traîné neuf jours. C’est trop. Ce qu’il me faut, à moi, c’est une mort avec une date. Baudin, par exemple, en voilà une (belle) réussite. Il n’a rien eu à faire de toute sa vie durant, ce garçon-là. Il a fait la mort de Baudin. Vous me dites que c’est souvent plus difficile. De faire quelque chose tout le durant de sa vie. Je le sais mieux que vous. C’est toujours plus difficile. Seulement ça entre ou ça n’entre pas dans mes mesures. Valmy a été une petite bataille de rien du tout. Une canonnade. Un moulin, comme je vous le disais. Des chapeaux sur les baïonnettes. Pour une bataille difficile, non, ça n’a pas été une bataille difficile. Et pourtant le canon de Valmy tonnera éternellement. Ce fut bien le jour des clameurs envahissantes. Et descendantes. Cent autres batailles, plus héroïques, infiniment plus difficiles, n’auront jamais le même retentissement. Ça ne me regarde pas. Toute la question est d’être bien placé. C’est le mystère même de la destinée, la destination de l’événement. Cette prise de la Bastille, quoi de plus facile ? Infiniment plus facile que tout ce que vous faites. N’est-ce pas ; il faisait chaud ; un superbe soleil de juillet ; il n’y avait qu’à se laisser faire, pour prendre la Bastille. Il n’y avait qu’à se baisser pour la prendre. C’était de ne pas prendre la Bastille, qui aurait été difficile. Tout vient du moment où on tombe. Et, ce qui est le même, de la place où on tombe. Toutes les petites blanchisseuses de Paris étaient amoureuses de tous les garde française. C’est connu. Nous avons tous appris ça dans madame Sans-Gêne. Seulement, voilà, c’était la Bastille. Il y avait dix siècles de monarchie derrière. Il y avait la fête nationale devant. Cinq siècles selon les historiens ; mais au moins dix siècles en comptant