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trois, lancé par le canon d’Enzersdorf arrive en ricochant.

Ce fut alors qu’il commença de sortir de mon domaine. Il faisait très chaud pour une amputation. Il mourut dans une des meilleures maisons d’Ebersdorf. Il y avait eu cette crue du fleuve. La situation du maréchal fut aussi bonne que possible pendant les quatre premiers jours qui suivirent sa blessure… Mais les fortes chaleurs qui nous accablaient depuis quelque temps redoublèrent d’intensité, et leur effet produisit un bien fâcheux résultat sur le blessé. C’est ce que nous nommons la pourriture d’hôpital. Une fièvre ardente s’empara de lui, et bientôt survint un délire affreux. Le maréchal, toujours préoccupé de la situation critique dans laquelle il avait laissé l’armée, se croyait encore sur le champ de bataille ; il appelait à haute voix ses aides de camp, ordonnant à l’un de faire charger les cuirassiers, à l’autre de conduire l’artillerie sur tel point, etc., etc… En vain le docteur Yvan et moi cherchions-nous à le calmer, il ne nous comprenait plus ; sa surexcitation allait toujours croissant ; il ne reconnaissait même plus l’Empereur !… Cet état dura plusieurs jours sans que le maréchal dormît un seul instant, ou cessât de combattre imaginairement !… Enfin, dans la nuit du 29 au 30, il s’abstint de donner des ordres de combat ; un grand affaissement succéda au délire ; il reprit toutes ses facultés mentales, me reconnut, me serra la main, parla de sa femme et de ses cinq enfants, de son père… et, comme j’étais très près de son chevet, il appuya sa tête sur mon épaule, parut sommeiller, et rendit le dernier soupir !… C’était le 30  mai au point du jour.

Peu d’instants après ce fatal événement, l’Empereur