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dans les prés ; les pas lourds dans les labours, si légers ; les pas empâtés dans les labours ; les mottes de terre ; et les clameurs dans les blés, les incendies dans les blés mûrs, les meurtres dans les blés chauds. Et les drapeaux dans les charniers, les drapeaux en guenilles, penchés au front des bataillons ? Ces énormes alignements mousseux, fins ou carrés, linéaires ou trapus, sur le mouvant terrain, d’hommes au jarret également tendu, le front en avant de la tête, la tête en avant du corps. Et les drapeaux couchés comme eux, battant comme eux, les drapeaux déchirés, claquant comme eux, déchirés comme eux, déchirés comme le fond de culotte et comme l’habit bleu et comme le parement et comme la peau qui est dessous. Parbleu ! Ils n’étaient pas déchirés exprès pour le Musée de l’Artillerie. Ils étaient déchirés comme tout. À force d’avoir servi. Car c’est très drôle : des drapeaux qui servaient, comme la cantine, comme les bretelles de gibernes. Les drapeaux inclinés de la même inclinaison, battus comme eux, de la même tempête, craquant comme eux, craquant comme des branches, comme des vraies branches, d’arbres, noyés du même flot, battus de la même tourmente. Les drapeaux effilochés, usés, pliés à la hampe comme la voile au mât, tendus comme eux, pointant, pointés comme eux, culbutés comme eux, à la face du ciel, terrassés comme eux, vaincus comme eux, — se relevant comme eux. Où sont vos batailles de pleine plaine, et la section défendant le village, et sous l’ardent soleil, et les hommes dans le fossé, et la célèbre défense au coin d’un bois, du célèbre bois ; et le mamelon, Derrière un mamelon ; et le moulin sur la butte, l’irrécusable moulin ; et le général, et l’État-Major