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la boue. Vous vous rappelez. Tout le monde se rappelle. Il y en a souvent, de la boue. Tout le temps elle embête les charretiers. Seulement, ce jour-là, un jour élu, elle a embêté les charretiers de canons. Où sont vos martyrs ? Où sont vos héros ? Où sont seulement vos victimes ? Vous savez que je vous ai dit que pour moi ça revient au même. Les centaines et les milliers et les centaines de milliers d’hommes marchant du même pas, tombant de la même mort, éternellement impérissables pour moi, les centaines et les milliers et les centaines de milliers d’hommes courant au même assaut, pliant de la même défaite, battant du même cœur, courant du même pied, soufflant, chantant du même souffle, charriés du même élan, éclatants de la même victoire, marchant du même pas, chargeant de ce même pas de charge, chancelants, rompus de la même débâcle, oscillants de la même détresse, crevés du même désastre, éclatants, rompus du même triomphe ; les formidables et irréguliers alignements ; ces centaines et ces milliers d’hommes, et ces centaines de milliers d’hommes penchés de la même pente, le corps tendu en avant, penché de la même pente, incliné en avant de la même inclinaison, innombrables corps obliques parallèlement promenés, parallèlement avancés, parallèlement se mouvant et mûs, innombrables corps mortels, impérissables pour moi, innombrables corps obliques parallèles, parallèlement conduits, parallèlement destinés vers le destin de l’assaut. Où sont vos Marseillaises ? Et les clameurs innombrables dans les plaines ? Les clameurs immenses, les montées des clameurs, les clameurs grandissantes, les clameurs assourdissantes ; les stations et les prolongements et les profilements